On se demande pourquoi Léon Duvauchel, cent dix ans après sa mort, ait pu disparaitre du cercle des poète et romancier français. Pourtant, du temps de son vivant, à l’instar de ses amis, Hector Quignon, Paul Maison, Maurice Thiéry et autres Henri de Braisne, il jouissait d’une renommée qui dépassait les limites de la Picardie. Certains n’hésitant pas à l’appeler “Maître”.
Ses articles réguliers dans de nombreuses revues littéraires connues, ses rubriques dans les journaux de l’Oise, de l’Aisne et de la Somme, faisaient de lui un homme connu et apprécié.
Au sein de nombreuses sociétés, Léon Duvauchel avait une activité débordante. On le retrouve fréquemment dans ces banquets de sociétés, si prisés à cette époque, où il déclame ses poèmes, lit des passages de ses livres, ou bien tout simplement écoute, chantées par d’autres, des chansons dont lui-même a composé les textes et mises en musique par ses amis René Le Cholleux et Paul de Wailly. Toutes ces sollicitations renforçaient sa notoriété.
Son souci de la perfection dans la description des gens, des lieux et des coutumes, faisait qu’aucun de ses romans, comme par exemple “La Moussière” n’ait été écrit sans qu’il se soit plongé dans l’univers des habitants et des forestiers de l’endroit où se déroulait son histoire.
De même lorsqu’il préparait son roman “L’Hortillonne” ne vécut-il pas parmi les maraîchers (Hortillons) à Camon, afin de s’imprégner de leurs habitudes, de leur travail, de leurs coutumes ? Ceux-ci en gardaient un excellent souvenir. Aussi était-il très populaire dans ce milieu1.
Le numéro de “La Picardie” du mois d’avril-mai 1902 rapporte : “L’édition prochaine des Poèmes de Picardie est impatiemment attendue en Picardie, elle ne l’est pas moins par les picards de Paris pour qui chaque nouvelle œuvre du bon maître est une aubaine. C’est l’air du pays qui leur arrive, et chaque page, si savoureuse de couleur locale, leur apporte tant de joie et de doux souvenirs !”
Est-ce ce régionalisme marqué qui fait que l’histoire n’a pas retenue le nom de Duvauchel. Cependant la littérature française regorge d’auteurs nous décrivant leur province natale. Pourtant, son œuvre posthume, “Poèmes de Picardie” a été primée en 1903 par l’Académie française, et adoptée le 2 mai 1903 par la Commission départementale de l’Aisne pour les bibliothèques scolaires.
Pour autant, ce régionalisme il ne l’a pas seulement réservé à la Picardie, bien que cette contrée ait les faveurs de son cœur, mais aussi à la Bretagne, à la Normandie, à Paris et sa banlieue auxquels il a consacré de si belles pages.
Son œuvre reste cependant présente dans la plupart des grandes bibliothèques à commencer par la B.N.F. et Saint Corneille à Compiègne. La plupart de ses romans et recueils de poésies sont aujourd’hui numérisés et sont accessibles à tout à chacun sur internet.
Il y a quelques années l’association “La Mémoire de Saint-Jean” a réédité “La Moussière” et “Le livre d’un forestier” rapidement épuisés. Depuis 2007 un éditeur indépendant de Trosly Breuil, près de Compiègne, “Le Trotteur ailé”, a réédité trois ouvrages de Léon Duvauchel : L’Hortillonne, Le Tourbier et La Moussière, vendus en librairie à plusieurs centaines d’exemplaires.
Léon Duvauchel fonde en 1880 la Société “Les Parisiens de Paris” dont il devient secrétaire archiviste, et en 1889, avec son ami Maurice Thiéry il fonde le dîner picard “Le Flippe” qui réunissait chaque mois, artistes et auteurs picards. Cette société fusionne ensuite avec la Société des “Francs-Picards”. Il était également membre de la “Société des amis des monuments parisiens”, de la “Société des gens de lettres”, de la “Société historique de Compiègne”. Par ses interventions au sein de cette dernière, il essaye de faire réhabiliter les ruines de Champlieu et son théâtre antique. (Voir l’article à paraître à ce sujet).
Léon Duvauchel participait aux travaux de la “Société d’émulation d’Abbeville“, de la “Société des traditions populaires” et de la “Société d’excursions scientifiques“. En 1901, fin mai, il représente la “Revue septentrionale” au congrès de ces trois sociétés.
On retrouve Léon Duvauchel parmi l’un des animateurs illustres de la “Société des Rosati“, à laquelle nous avons consacré un article.
La notoriété de Léon Duvauchel a été suffisamment grande en Picardie pour qu’Amiens, en 1936, honore le poète en baptisant une rue de la ville de son nom.
De son vivant quatre peintres ont réalisé son portrait. Un sculpteur son buste. Un graveur en a fait son médaillon.
Au mois de juin 1896, une médaille d’or lui est attribuée par la “Société d’encou-ragement au bien” pour son roman “M’zelle”.
Lors de l’inauguration de la statue de Rouget de l’Isle à Choisy le Roi en 1882, il reçoit les palmes académiques, puis plus tard est élevé au rang d’officier de l’instruction publique.
Alors on se demande pourquoi Léon Duvauchel n’a pas franchi le cap de la postérité ? Sa mort à cinquante-quatre ans n’a-t-elle pas brisé sa carrière en plein élan ? Autant de questions que nous pouvons nous poser.
Pourquoi aujourd’hui, à l’image de ces admirables téléfilms sur Maupassant, un scénariste ne s’intéresserait-il pas à L’Hortillonne, à La Moussière ou à sa pièce de théâtre Le chapeau bleu.
Ce serait notre vœu le plus cher.
1 – Hortillonnage, du latin hortus qui signifie jardin.
Il est difficile d’imaginer que cet homme, mort à 54 ans, ait pu assumer tant d’activités en si peu de temps dans des domaines aussi variés. Parfois il fut très fécond comme en
littérature mais comment pouvait-il faire pour s’investir ainsi dans une multitudes de sociétés patriotiques, sans oublier ses fonctions électives et ses engagements civiques, ses
nombreuses participations à des inaugurations, ses rencontres avec des confrères, la peinture…etc… Pour moi ça reste une énigme difficile à comprendre. E.R.
Et pourtant, chacun peut le constater, rien n’est inventé, les écrits de toutes ces activités sont là pour nous prouver que tout est exact. Il faisait certainement parti de ces gens exceptionnels
qui peuvent mener de front de multiples tâches.